La production des Etablissements Mors-Speed fut complexe et très diverse. L'origine notamment du petit scooter Speed fut la création de Pierre Brissonnet dont les brevets furent rachetés par la SICVAM (société industrielle et commerciale de véhicule à moteur) société filiale de la société Mors créée pour l'occasion . La SICVAM sera, par la suite, la société distributrice de tous les scooters de la marque Mors-Speed.
Le premier prototype que créa Pierre Brissonnet, dont les études s'étalèrent de 1943 à 1949, intégrera un moteur Motobécane de 50 cm3 emprunté au très répandu motocycle Poney de l'époque.
Merci à Roland de Brébisson qui nous a déniché ce document.
Le modèle définitif est le S1C qui sera présenté en 1950dont le nom commercial sera tout naturellement Speed.
La société Mors en fait l'acquisition en octobre 1951. Il est tout d'abord produit avec un moteur de 98 cm3 puis de 115 cm3 par la suite. La boite de vitesse est actionnée par deux vitesses au talon comme sur le scooter Terrot. La suspension avant est assurée par anneaux Neiman dissimulés dans l'ingénieuse fourche. Pour l'arrière des blocs de caoutchoucs viennent en aide à des ressorts travaillant à la compression. Le petit scooter est résolument une réalisation intelligente ....
Ce scooter a la particularité d'avoir une pièce en fonderie d'aluminium formant à elle-seule le tablier, le réservoir d'essence et le plancher. La fourche est, elle aussi, réalisée en Alpax. Seule la coque arrière couvrant le moteur est en tôle emboutie posée sur deux bras accouplés au plancher et réalisés en fonte d'aluminium eux aussi. L'Alpax est un alliage aluminium/silicium obtenu par fonderie. Le nom de ce matériau serait l'abréviation du nom de son inventeur Aladar Pacz. D'autres constructeurs adopterons le même matériau pour ses qualités.
Le scooter Speed pouvait êtreagrémenté de quelques accessoires tels que des grilles bouchant les ouvertures latérales de la coque, une poignée centrale permettant au passager de se tenir, des marche-pieds d'un look très raffiné, en aluminium, marqués speed ou encore un compteur de vitesse qui s'intègre entre les branches de guidon règlables.
même en avion....
Le speed est conçu de telle façon, qu'en déboulonnant l'extrémité du chassis en Alpax, il est possible de scinder en deux partie le petit scooter. Cela permet de l'embarquer à bord d'un avion, d'un bateau....
Paris-Nice
En 1953, Mors prévoit la sortie d'un scooter radicalement différent et beaucoup plus évolué : le Paris-Nice. Sa carrosserie très futuriste, à bec d'oiseau a été signée par le célèbre designer en carrosseries Jean Henri Labourdette. Ce scooter est destiné à concurrencer les deux géants italiens Vespa et Lambretta. Sa puissance de 6cv surpasse ces ainés, mais sa forte consommation et son entretien compliqué le desservent, malgré la publicité de vente qui indique "comme pour une voiture automobile cette machine a été étudiée pour assurer un usage commode, propre et agréable, les opérations d'entretien étant réduites au minimum".
Ce scooter est animé par un moteur ventilé de 125 cm3, couplé à une boîte trois vitesses, à verrouillage à billes, commandée par deux pédales. Sa suspension avant est elle aussi assurée par anneaux Neiman, quant à l'arrière une superposition d'anneaux de caoutchoucs dans lesquels est noyé un ressort hélicoïdal assurant un confort optimal, cette innovation portera le nom de Eligo de paulstra. Le premier modèle se verra affublé d'un échappement se faisant dans un des tubes de chassis.... l'idée sera heureusement vite abandonnée.
C'est en 1955, que Mors renoncera à la production de scooters pour retrouver son activité initiale de fabrication de signalisation ferrovière, d'électroménager et de mécanique.
Mais nos deux scooters ne sont pas oubliés pour autant, car les établissements Gentil de Courbevoie reprennent la production et la distribution, sous la marque Alcyon, en absorbant également la SICVAM . Le petit Speed est rapidement délaissé en 1956 . Le Paris-Nice lui sera commercialisé jusqu'en 1958 estampillé des marques Alcyon,Thomann et La Française, qui étaient des labels du groupe gentil .
ici le scooter Alcyon de claude Marty, en action à Bayonne en 1958
Nous avons eu la chance de faire l'acquisition, il y a quelques années, de ces deux très différents, mais néanmoins très attachants scooters. Les modèles en notre possession ont une particularité singulière puisque leur numéro d'immatriculation se suivent d'un chiffre. La charmante personne à qui nous les avons acheté s'était vu offrir les deux scooters, le même jour, par son père, qui était un ami proche du directeur commercial de la SICVAM. Cette position lui avait fait bénéficier d'un tarif tout à fait exceptionnel permettant ainsi à son fiston de rouler en Speed la semaine, en ville, et en Paris-Nice le week-end.
Le Paris-Nice qui fait partie de notre collection a une seconde particularité puisqu'il a des publicités peintes sur ces flans latéraux.
Revenons maintenant à Pierre Brissonnet qui fut un inventeur de génie et qui ne fut pas le créateur d'un seul véhicule.
Cet homme s'intéressa également à la voiturette, qui était la suite logique de ces réalisations précédentes, puisqu'il produisait déjà en grande série entre autres des side-cars, depuis 1932 et divers accessoires automobiles, dont des coffres pour Citroën 2CV, avec sa société sous la marque Speed . Il continuera d'ailleurs tout naturellement cette activité lorsqu'il décidera de se séparer de la section scooter .
Pierre Brissonnet créa la voiturette qui ne fut fabriquée qu'à quelques exemplaires et qui sera la pré-série de la Paul Vallée Chantecler.
Nous remercions le petit-fils de Pierre Brissonnet, qui est lui aussi passionné par les créations de son grand-père, de nous avoir confié les documents qui vont suivre. Nous pouvons y voir le prototype, sa maquette et Pierre Brissonnet lui-même lors des essais du chassis.
Celle que nous avons découverte a été immatriculée pour la première fois le 29 Juin 1955 et porte le numéro 02 . Le fabricant mentionné sur sa carte grise est la société Colas et Compagnie. Celle-ci est en première main puisque nous l'avons achetée au fils du premier acquéreur. Après avoir transité quelques années par le loir et cher, la jolie petite auto s'est retrouvée dans un poulailler jurassien, en attendant que nous venions la sauver.
L'affaire ne fut pas sans contrainte puisque la voiture était sur le point de partir en Angleterre pour le double du prix que nous l'avons payée malgré une somme déjà conséquente. Mais heureusement l'ex-propriétaire du véhicule était quelqu'un de parole ce qui nous a permis de préserver ce joli bout de patrimoine dans son pays d'origine.
La brissonnet de pré-série est animé par un moteur Ydral. La carrosserie est intégralement en fibre ainsi que ses pare-chocs. Son arrière est tronqué par rapport à la Chantecler et de forme beaucoup plus ovoïde.
Le phare central d'origine de notre exemplaire a été remplacé par deux phares plus conventionnels. Nous lui rendrons sa configuration d'origine lorsque nous entreprendrons sa restauration.
Sur ce dernier document publicitaire de l'époque nous retrouvons tous les modèles dont nous venons de parler.
Nous en profitons pour remercier aussi Claude et Donald Le Bihan qui nous ont transmis leur amour pour la voiturette et avec qui nous partageons dès que nous le pouvons des moments plus que privilégiés. Ils ont eux aussi un petit pincement pour la Brissonnet puisqu'ils sont les heureux propriétaires du prototype de la Paul Vallée et de la Chantecler de série .
Un complément peu ordinaire...
A la lecture de cet article, Patrice Bugada, qui apprécie notre blog, a voulu nous faire partager deux photos, contemporaines à l'époque, des scooters Mors speed.
Les deux clichés représentent Maryse, sa belle mère sur son Paris Nice à priori de 1955 et son amie de toujours Annie sur son petit speed 115 cm3.
Pour citer Patrice sur l'origine de ces photos, il nous explique l'importance de ces véhicules à l'époque puisqu'ils étaient le seuls moyens de locomotion pour ces jeunes filles isolées dans la campagne ardéchoise.
"Maryse débutait sa carrière d'institutrice sur le plateau ardéchois et se rendait pour la semaine dans les villages (hameaux) où elle assurait souvent une classe unique avec des élèves de tous âges. Le scooter était le moyen de locomotion de ces jeunes filles qui se retrouvaient entre elles pour rompre l'isolement du plateau ardéchois.
Je ne sais pas si Annie était institutrice, mais elle avait hébergé ma Belle-mère quelques temps durant ses études. C'est pourquoi elle a fait l'acquisition du Mors Speed Paris Nice, marque que distribuait un parent d'Annie qui était concessionnaire MORS, pour mon plus grand plaisir, puisque j'ai pu remettre en état ce scooter en 1990."
.... Merci Patrice pour ces photos superbes dignes d'une plaquette publicitaire de l'époque, pour la qualité de leur cadrage, la beauté des arrières-plans et surtout celle de leur pilote Maryse et Annie.